Le palmarès de Marc Márquez est en pause, mais l’homme ne s’arrête jamais. L’équipe Repsol a débarqué chez le champion du monde pour prendre de ses nouvelles : état d’esprit, avancées de la rééducation, analyse d’une saison MotoGP 2020 qui échappe à toutes les normes. Marc s’est confié sans détour, entre impatience et lucidité, sur son quotidien chamboulé et ses espoirs de retrouver la piste.
2020 a projeté Marc Márquez dans une situation inattendue. Touché dès la première course, le pilote du Repsol Honda Team s’est retrouvé contraint de suivre le championnat depuis l’écart. La frustration est là, impossible de le nier. Pourtant, il n’a jamais songé à s’arrêter. Entre séances de rééducation et travail avec son kinésithérapeute, Márquez met tout en œuvre pour retrouver la RC213V dès que possible. Avant le Grand Prix de Catalogne, il a partagé de façon très concrète ses impressions sur sa convalescence, son état d’esprit et la vie de son équipe sans lui.
Marc, où en êtes-vous physiquement et mentalement aujourd’hui ?
Marc Márquez : « Physiquement, la progression est là. Je ne suis pas revenu à mon niveau de 2019, mais j’avance. Je viens de reprendre la course à pied et le vélo. Le cardio tient, les jambes suivent, le bras gauche aussi. Le bras droit, en revanche, demande encore du travail. On augmente l’intensité étape par étape. Il ne sert à rien de précipiter les choses, il faut accepter le rythme imposé et respecter chaque étape du plan.
Sur le plan mental, les premiers jours d’inactivité étaient interminables. Aujourd’hui, tout est planifié : deux séances de kiné, sport avec le préparateur, focus sur le bras gauche, puis sur l’endurance. Je ressens la différence. Le plus difficile, c’est encore le week-end, devant l’écran, à ne pas pouvoir être sur la grille. Regarder les essais, les qualifications, sans pouvoir intervenir, c’est dur à encaisser. Mais sentir le corps récupérer, c’est déjà une avancée majeure. »
On vous a vu utiliser des protections pour le bras. C’est toujours le cas ?
« Oui, plusieurs types de protections sont passés par là. Au début, le bras était totalement immobilisé. Ensuite, j’ai porté une coque carbone du coude à l’épaule : les photos parlent d’elles-mêmes. Aujourd’hui, ces protections disparaissent presque jour après jour, sauf lors de certains entraînements et surtout à vélo. La coque carbone protège bien la zone. Parfois, j’en oublie même la nécessité, signe que ça progresse. J’espère pouvoir m’en passer très bientôt. »
Reprendre l’entraînement après un long arrêt, qu’est-ce que cela change ?
Remettre les baskets, grimper sur le vélo après des semaines d’inactivité, c’est presque comme redécouvrir son propre corps. J’appréhendais la reprise, mais dès les premiers efforts, la mécanique a suivi. Le bras droit reste fragile, mais la réponse musculaire donne de l’espoir. L’objectif, c’est de retrouver de la fluidité dans les gestes. Mon kiné Carlos à la maison, on ne laisse rien au hasard : le travail est minutieux, chaque détail compte.
L’entraînement vous a-t-il vraiment manqué ?
Les deux premières semaines, c’était presque insupportable. Mais la moto, elle, me manque encore bien plus. J’espère pouvoir bientôt remonter, même sur un modèle plus léger, mais pas question de brûler les étapes médicales. L’envie de retrouver la piste est là, mais c’est justement dans ces moments que la prudence doit primer. Difficile de ne pas vouloir accélérer, il faut se raisonner.
Sur les réseaux, vos chronos en course à pied ont surpris beaucoup de monde !
Je dois dire que j’ai été le premier étonné. Courir à 3’50 au kilomètre est habituel pour moi, mais cette fois, j’étais plus autour de 4 ou 4’10. Pour une reprise, c’est solide. Le revers, c’est qu’après, les jambes étaient coupées. Mais sur la semaine, j’ai aligné trois séances de course et une sortie vélo : la base est là. Maintenant, il faut concentrer les efforts pour que le bras droit retrouve toute sa force.
À Misano, Honda a réduit l’écart avec les meilleurs. Comment analysez-vous ce week-end ?
La période reste délicate pour le Repsol Honda Team. Mon absence se fait sentir, le besoin de cohésion dans le box est évident. Avec un rookie pour coéquipier, l’équilibre est fragile. Pourtant, on sent que la dynamique s’installe : mon frère progresse, les essais du mardi à Misano ont permis à Nakagami et Alex de gagner en confiance, avec des résultats prometteurs. Finir P6 et P7, ce n’est pas anodin. J’espère pouvoir revenir vite, pour soutenir l’équipe, même si l’attente continue.
Votre frère Alex semble franchir un vrai cap. Qu’en pensez-vous ?
Alex poursuit son apprentissage. Enchaîner deux courses sur le même circuit, c’est un vrai avantage pour un débutant. Mais le défi du MotoGP, c’est d’arriver sur une nouvelle piste, d’affronter la pression de la moto d’usine, et d’adapter les réglages rapidement. À Montmelo, il aura tout à découvrir. On verra comment il s’en sort.
Le niveau général est très élevé : les écarts sont minimes. Qu’est-ce que cela implique pour les rookies ?
Cette densité ne concerne pas que les nouveaux. Voir 17 ou 18 pilotes dans la même seconde, c’est inédit. Le niveau a grimpé pour tous. Les week-ends s’enchaînent, les occasions de progresser ou de tester sont rares. Il n’y a plus qu’une journée de test, contre quatre ou cinq avant. L’apprentissage doit se faire à toute vitesse, sans filet.
Continuez-vous à donner des conseils à Alex, ou chacun suit sa propre voie ?
Je l’accompagne autant que possible. Le jeudi, il m’envoie une photo des pneus, je donne mon avis, je partage mon expérience. Mais il gère son équipe en autonomie. S’il a un doute, il sait qu’il peut me solliciter. C’est lui qui décide. Sur place, il peut compter sur Alberto et Emilio, qui ont une immense expérience. Et on échange de toute façon plusieurs fois par jour !
Honda a évoqué une absence qui pourrait s’étendre à trois mois. Comment voyez-vous la suite ?
Trois mois, c’est une éternité pour un pilote… Les médecins n’étaient pas tous d’accord : certains ont parlé de ce délai pour voir l’évolution de la blessure. Difficile d’entendre cela au début. Mais semaine après semaine, les choses bougent. Les premiers temps, rien ne bougeait, tout semblait figé. Aujourd’hui, je peux retourner à la salle, récupérer de la force. Le retour approche, mais impossible de donner une date : seul mon corps me le dira.
Regarder les courses depuis chez soi, comment le vivez-vous ?
C’est le plus éprouvant. Suivre les essais et la course depuis le salon, ça use. On voudrait être sur la grille à chaque instant. Cette année, le classement est ultra serré, les vainqueurs se multiplient, et malgré sept courses déjà disputées, je n’ai que 84 points de retard… sans avoir marqué le moindre point ! Personne ne prend le dessus, la saison ne ressemble à aucune autre.
Comment appréhendez-vous la dernière partie du championnat alors qu’il reste sept courses ?
On a parfois l’impression que la première place ne tente personne ! Ceux qui n’ont rien à perdre osent tout. Dès que le classement compte, la tension modifie les stratégies. Il faut savoir attaquer au moment juste, mais aussi défendre sa position. La pression est palpable sur la piste, jusque dans les gestes les plus infimes.
Le championnat ne se joue plus entre deux favoris. Désormais, la liste des candidats s’allonge, qu’ils soient chez les constructeurs ou dans les équipes satellites. Tout est redistribué.
Ce renouvellement bouscule le MotoGP et rend chaque course imprévisible. Voir les teams satellites capables de rivaliser avec les grandes écuries ouvre le jeu et multiplie les chances pour tous. Les partenaires y trouvent leur compte et l’ensemble du plateau gagne en équilibre.
Vous aviez cité Dovizioso et Quartararo parmi les favoris. Leur place a-t-elle changé à vos yeux ?
Rien n’est vraiment tranché. J’attendais beaucoup de Quartararo après ses deux victoires nettes en début de saison. Mais il a ensuite connu un passage à vide, même sur ses circuits de prédilection. Dovizioso reste régulier, mais il lui manque peut-être ce petit supplément de vitesse pour s’imposer vraiment. Viñales, Mir, sont toujours là aussi. Environ neuf pilotes se tiennent en vingt-cinq points. Impossible de prévoir la tournure du combat final : même depuis son canapé, on reste accroché à l’écran.
Le GP de Barcelone approche, tout près de chez vous. Le manque est-il plus fort ?
Voir le MotoGP à une heure de la maison, forcément, ça touche. La situation n’est pas habituelle, mais la motivation ne faiblit pas : je veux revenir le plus vite possible.
Depuis 2013, six titres à votre nom. Certains remettent en cause la Honda ou les choix stratégiques. Quel est votre point de vue ?
J’ai pris le temps d’écouter ce qui se dit. Pourtant, sur dix ans, Honda a accumulé les titres pilotes, équipes, constructeurs. La méthode reste solide. Chaque marque connaît des périodes difficiles, c’est la réalité de la compétition. Je me sens pleinement impliqué dans cette aventure, et mon rôle, c’est d’aider Honda à retrouver le sommet. Une saison compliquée ne remet pas tout en cause. Sur la durée, Honda reste leader.
Une moto comme la MotoGP devrait-elle être plus facile à piloter ?
Chaque moto a ses particularités, c’est au pilote de s’adapter. Honda conçoit ses machines avec cette logique, que ce soit en 500cc ou en MotoGP. Les anciens comme Doohan ou Criville partagent la même philosophie : il faut tout donner à chaque virage, chaque séance. Quand la connexion se fait, la performance suit. Certains disent que la Honda est faite pour mon style, c’est faux : il y a plusieurs motos d’usine sur la grille et les retours sont semblables. Évidemment, tout le monde préfère une moto plus accessible. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un prototype de course, pas d’une machine de route. Les résultats récents de Nakagami ou Alex prouvent que le potentiel existe. Comprendre une telle moto, cela passe parfois par des chutes. C’est le prix à payer pour progresser.
Portimão accueillera la dernière manche. Qu’évoque ce circuit pour vous ?
Terminer la saison à Portimão, ce n’est pas banal. J’espère vraiment pouvoir rouler là-bas. Ma dernière fois, c’était en 2012 en Moto2. Ça remonte, mais je garde le souvenir d’un tracé vallonné, rythmé, qui épouse les reliefs. Le plaisir était au rendez-vous à chaque tour. Finir la saison ainsi, ce serait un vrai plaisir.
Un mot pour vos supporters ?
Un immense merci à tous, à l’équipe Repsol Honda et à chacun de ceux qui envoient des messages. Beaucoup me demandent : “Quand tu reviens ?” Je n’ai pas la réponse précise, mais le retour se rapproche. Continuez à soutenir Honda et toute l’équipe : on reviendra là où on doit être, ensemble.
Ce week-end, Barcelone vibrera pour le GP sans Marc Márquez sur la grille. L’absence est palpable, mais la passion, elle, ne demande qu’à resurgir dès que le signal sera donné.
Liens pratiques Gran Premi Monster Energy de Catalunya 2020 :
Pour faciliter vos recherches autour de ce Grand Prix, voici quelques ressources à consulter :
- Consultez le calendrier et les résultats complets
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